Il est peu probable que le “lecteur moyen” sache situer avec précision le Montana, encore moins qu’il ait entendu parler des écrivains du Montana.

Le Montana est un Etat de l’Ouest des Etats-Unis. Le Mississipi représente la frontière entre l’Est et l’Ouest. Il est délimité au nord par le Canada, à l’est par le Dakota du Nord et le Dakota du Sud, au sud par le Wyoming et à l’ouest par l’Idaho. Le Montana est aussi vaste que la France, il est constitué à l’est par les Grandes Plaines et à l’ouest par les Montagnes Rocheuses. Le climat est rude : le baromètre peut descendre jusqu’à -40° en hiver. La population l’une des plus faibles aux Etats-Unis (800 000 habitants). L’isolement est si total et les paysages si demesurés que c’est au Montana que survit le mieux le mythe de l’Ouest. Le Montana est devenu aujourd”hui un refuge, un îlot préservé loin des grandes cités. Il attire les aventuriers, les derniers “pionniers”ainsi que ceux qui se sentent exclus. Le Montana est un microcosme de l’Ouest, le pays du recommencement et de l’espoir, où tout est encore possible mais il représente le bout de la route pour les “desperados” en quête d’une dernière chance.

Le Montana compte la plus grande proportion d’écrivains par habitant, à tel point que le “New York Times” l’a baptisé le “nouveau Montparnasse”. Il serait évidemment tentant de placer ces écrivains sous une étiquette unique intitulée “école du Montana”. Mais existe-il à proprement parler une “école du Montana” ? Voici ce qu’en pense l’un d’entre eux, Rick Bass : “Plutôt que d’école, parlons plutôt de mouvance, de tendance, de communion d’esprit. Aucun écrivain n’aime être catalogué. C’est une invention de journaliste.”

Ce courant s’étend sur plusieurs générations. “La rivière du sixième jour”, écrit en 1976 par Norman Maclean (alors qu’il avait soixante-quatorze ans !) peut être considéré comme un livre-culte dans la mesure où il contient toutes les caractéristiques propres au roman du Montana. Robert Redford l’a adapté pour le cinéma sous le titre “Au milieu coule une rivière”.Norman Maclean a marqué de son empreinte toute une lignée d’écrivains et ceci jusqu’à nos jours.

Les écrivains s’expriment dans des styles, des genres différents, que ce soit la poésie, le roman, la nouvelle, l’essai ou le roman policier.Les thèmes aussi varient. Certains écrivains du Montana sont Indiens comme James Welch, c’est lui qui a ouvert la voie à la littérature indienne et dont se réclament aujourd’hui tous les écrivains indiens.

On remarque toutefois peu de femmes écrivains au Montana, hormis Dorothy Johnson ou Mildred Walker, quelle en est la raison ? S’agirait-il, comme on l’a dit parfois, d’une littérature “masculine” ou pire “machiste” ?

Comme on s’en aperçoit, une classification des écrivains du Montana s’avère problématique. Pourtant, malgré des différences indéniables, des liens de parenté, que nous allons tenter d’approfondir maintenant, existent bien entre ces écrivains.

Ils sont écrivains et aiment les grands espaces. Ils vivent sous un ciel si immense, le “Big Sky”, que toute leur oeuvre en est imprégnée. Rick Bass dit à ce sujet : “Nous ne posons pas la nature autour des personnages ou les personnages autour de la nature. Personnages et nature ne font qu’un.” Ce sont souvent de grands buveurs et ils ont exercé trente-six métiers avant de se mettre à écrire : rancher, cow-boy de rodéo, garde-forestier, prospecteur de pétrole, shérif...Vous l’aurez compris : ce ne sont pas des “écrivains de salon” , mais des hommes de terrain, d’expérience, des “dur-à-cuire” (on dirait “hard-boiled” en américain). Malgré l’abord rude de ces écrivains, leurs personnages ne font pas preuve de violence gratuite, ils possèdent au contraire une profonde humanité.

Ils habitent presque tous dans un rayon de 100 kilomètres autour de Missoula (prononcez Miz-oula !). Certains habitent plus loin, au Wyoming ou même, comme Jim Harrison, au Michigan.Mais tous considèrent Missoula comme leur port d’attache, ils y reviennent régulièrement.

C’est à Missoula, petite ville du Montana coincée entre les Rocheuses, que vit la plus grande partie des écrivains du Montana : James Welch, William Kittredge, James Crumley, pour ne citer qu’eux. Patrick Raynal est allé voir à quoi ressemblait Missoula, voici ses impressions : “Il existait bien au nord-ouest des Etats-Unis dans un Etat immense, peuplé de cow-boys, d’élans et de truites gigantesques, une ville bourrée d’écrivains, une sorte de Ploucville improbable où écrire des bouquins était aussi commun que de jouer au jazz à New-York. Avec cinquante écrivains en activité sur une population de quarante mille, Missoula est une ville... où l’on a plus de chance d’écraser les pieds d’un auteur que d’un représentant d’une quelconque catégorie socio-professionnelle.”

Tout commence dans les années 60. La ville était alors fréquentée par des écrivains comme Raymond Carver, Richard Brautigan, Dorothy Johnson.

En 1964 le poète Richard Hugo prend la tête d’un atelier d’écriture à l’Université de Missoula.Il a William Kittredge et James Crumley comme collègues. Parmi ses étudiants on trouve James Welch. S’ensuit pendant quelques années une période d’effervescence intense. Richard Hugo enseignera jusqu’en 1982, année de sa mort.C’est Richard Hugo qui a donné à Missoula la renommée internationale dont elle jouit actuellement.

Aujourd’hui Missoula est une ville de 60 000 habitants, dont 10 000 étudiants. Les ateliers d’écriture de l’Université, les fameux “creative writing” sont plus actifs que jamais et connus dans le monde entier. La renommée de Missoula a franchi les frontières et même les océans, et si vous en doutez encore sachez que, pour célébrer les 10 ans du festival de Saint-Malo “Etonnants-Voyageurs” (festival créé par Michel le Bris), Missoula a été jumelée avec Saint-Malo. Michel le Bris a ainsi réalisé un vieux rêve.

Si Missoula nous fait tant rêver, c’est que c’est une ville-légende, elle représente une oasis lbérale dans un pays de cow-boys et de conservateurs.

En refusant d’habiter loin des grandes villes de l’Est des Etats-unis et en choisissant de vivre dans les grands espaces de L’Ouest, les “écrivains du Montana” affirment leur choix et concrétisent leur rêve de liberté.
Les “écrivains du Montana” sont les héritiers de Jack London, Mark Twain, Thoreau et Jack Kerouac car ils partagent une vision du monde, une philosophie communes.

Monique BRISSET

LIRE

  • L'Ouest au-delà du western, Cédric Fabre, in la revue Etudes, mai 1998
  • Le mythe de l'Ouest, Revue Autrement, octobre 1993
  • Ecrivains du Montana, La reconquête de l'Ouest, Cédric Fabre, in Le Magazine Littéraire n° ??
  • A la reconquête de l'Ouest, Télérama n° 2571, 21 avril 1999
  • La préface de Michel Lebris pour Quand toi et moi étions jeunes Whitefish par Dorothy Johnson

LIENS en français

LIENS en anglais


Les écrivains du Montana - mis à jour le 11/11/01

 

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