Missoula, enfin !
Nous avions plusieurs pélerinages à y effectuer.
D'abord l'Université du Montana où tout a commencé en 1964 avec le
premier atelier d'écriture animé par Richard Hugo.
Ensuite la librairie Fact & Fiction, 220 North Higgins Avenue, où
nous avons pu donner libre cours à notre trouble obsessionnel du
comportement concernant les listes d'écrivains. Nous avons pu rallonger
la liste des écrivains du Montana de 26 romanciers et 51 poètes
supplémentaires.
Il y a une autre librairie intéressante à Missoula, The Book Exchange.
Puis le Charlie's Bar, haut lieu de rencontres d'écrivains où Crumley
avait ses habitudes.
Enfin la base de Smoke Jumpers de Missoula.
Il faut lire, dans Young
Men and Fire, l'hallucinant récit que fait Norman
MacLean
du drame qui coûta la vie à 15 jeunes pompiers
parachutistes le 5 août 1949. Envoyés combattre un incendie à l'est de
Helena, ils furent parachutés à Mann Gulch et piégés par l'incendie.
Cette tragédie est toujours présente à
l'esprit des pompiers qui vont combattre les feux de forêt chaque été.
Et cette émotion se ressent lorsque un de ces parachutistes vous fait
visiter la base des Smoke Jumpers installée un peu à l'écart de
l'aéroport de Missoula. Lorsqu'un feu est signalé les parachutistes
s'équipent et vont sauter au cœur de la forêt. Ils peuvent rester
jusqu'à 10 jours en autonomie à creuser des fossés et abattre des
arbres pour tracer des coupe-feu. Leur « sac-à-dos » pèse 60
kilos. Des containers sont aussi parachutés : matériel, eau,
vivres et des tentes spéciales censées leur permettre de survivre à ras
de terre si le feu les rattrape. Leurs outils, une pioche adaptée
nommée pulaski et une tronçonneuse.
Ne manquez surtout pas cette visite.
L'Université de Missoula correspond bien à l'idée que l'on se fait
d'une université américaine. Jolis bâtiments de brique, éparpillés dans
un parc boisé. C'était au mois d'août, les allées étaient un peu
désertes.
Fact & Fiction est une petite librairie comme on les aime, un peu
exiguë, pleine d'étagères, de présentoirs et de tables proposant
toutes sortes de livres, des plus commerciaux jusqu'aux poètes du
Montana en passant par l'édition bien-être et les livres pour enfants.
On y reste des heures.
Dans un centre commercial, à côté d'un
magasin de bricolage et d'un magasin alimentaire Albertsons (Albertsons
est une chaîne de supermarchés qui opère essentiellement dans l'ouest
et où nous nous sommes approvisionnés en produits frais pendant tout le
voyage), se trouve
The Book Exchange. Ils vendent des livres d'occasion et on peut y boire un café.
J'y ai acheté The Last Stand de Nathaniel Philbrick pour étoffer la
documentation de notre page sur Little Big Horn.
On a passé un bon moment au Charlie's Bar à boire d'excellentes bières
locales. Nous avons rapidement fait connaissance avec quelques fidèles
de ce café qui entretiennent religieusement le souvenir de Mister
Crumley.
« Mister Crumley avait l'habitude de s'asseoir sur ce
siège ».
« Vous voyez la personne là-bas, c'était le meilleur ami de Mister Crumley. Il le connaissait très bien ».
« Venez, je vais vous faire voir la photo de Mister
Crumley ».
« Ah, vous êtes Français, vous avez lu les œuvres de Mister
Crumley, venez je vais vous présenter au patron du bar qui connaissait
bien Mister Crumley ».
Nous avons passé là quelques heures très chaleureuses.
Mais il y a un temps pour tout. Un samedi matin nous avons quitté
Missoula vers le sud par la Bitterroot Valley. Après avoir traversé
Lolo et Florence, juste après Hamilton, nous sommes tombés sur une
vente aux enchères. Un ranch, le River Ranch, était en vente. Des
panneaux donnaient des indications pour la vente des terres et des
bâtiments. Sur les planches des clôtures étaient punaisés les
pedigrees des chevaux qui paissaient là, à vendre aussi. Et ce samedi matin, c'était la
vente aux enchères de tout le matériel du ranch : semoirs,
charrues, tracteurs remorques, trucks, vieilles bagnoles, lots
d'outils, selles de cheval, vans, canapés, casseroles ... Deux gars
tenaient des panneaux indiquant Selling this item, qu'ils posaient sur
l'objet à vendre. Perché sur un escabeau un homme, jean, chemise à
carreaux, Stetson et barbichette à la William Cody, lançait les
enchères à un rythme incroyablement rapide. En quelques minutes l'objet
était vendu et on passait au suivant. Le public était visiblement
connaisseur, probablement des fermiers du coin. Tout le monde portait
un jean, une chemise à carreaux ou un T-shirt, casquette ou Stetson,
parfois des bottes Western. Nous avons discuté un peu de selles de
chevaux avec le gars qui portait le T-shirt : « The second
amendment, America's original homeland security ». Plutôt sympa.
Le texte du second amendement (1791) est très court : « Une
milice bien ordonnée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le
droit qu'a le peuple de détenir des armes ne sera pas enfreint ».
Lors de leur formation, les États-Unis n'avaient pas vraiment prévu
l'existence d'une armée permanente. Et il y a toujours eu un grand
sentiment de méfiance vis à vis d'un pouvoir central. Enfin, on en
reparlera à Bannack, la grande Épopée de l'Ouest a été assez violente.
Le second amendement était justifié pour permettre aux citoyens de se
révolter contre un pouvoir central abusif, se défendre contre une
menace extérieure ou s'organiser contre les bandes de hors-la-loi qui
sévissait alors. De là à offrir sous le sapin de Noël, une mitraillette
bleue pour le petit garçon et une rose pour la fillette, c'est une
interprétation que les constituants n'avaient peut être pas prévue.
Après cette immersion dans l'Amérique profonde, nous avons quitté la
Bitterroot River Valley par le Lost Trail Pass (2137 mètres) et le
Chief Joseph Pass (2213 mètres), parcourant quelques miles dans l'Idaho
et repassant la Continental Divide. Toujours ces cols en pente douce où
on ne se rend pas compte de l'altitude. Le Lost Trail Pass est
nommé ainsi car Lewis & Clark ont traversé la Continental Divide
dans le coin mais on ne sait pas exactement où. Chief Joseph est un
grand chef indien de la tribus des Nez-Perce. La région est
régulièrement ravagée par des incendies de forêt. Sur le col, la cabane
des Rangers a dû, un été, être entourée d'une sorte de papier alu pour
l'empêcher de brûler.
En redescendant vers le Beaverhead County, nous avons visité le Big
Hole National Battlefield, un des épisodes les plus dramatiques de la déportation imposée aux Nez-Perce, obligés de quitter leurs
terres ancestrales dans l'Idaho, pour se réfugier au Canada, puis
contraint de migrer à pied vers l'Oklahoma, pour revenir ensuite dans
l'Idaho. (Voir notre page Nez-Perce).
Nous avons enfin traversé les Pioneer Mountains et visité les restes
d'une ghost town, Coolidge. Une mine d'argent dénommée par la suite
Elkhorn Mine fut découverte le 24 octobre 1873. La ville s'est
développée vers 1910, école, poste, téléphone. Elle a été
abandonnée vers 1932.
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Photographies
prises lors de notre séjour au Montana, août 2014.

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