Comparée aux villes que nous avions traversées jusqu'à maintenant,
Rapid City est une grosse ville de 67 000 habitants, typiquement
américaine, sans grand intérêt hormis les statues des présidents des
États-Unis, en bronze évidemment, qui ornent chaque carrefour. Elle a
le gros avantage d'être à proximité des Black Hills où se trouvent le
Mont Rushmore, le Crazy Horse Memorial et le Custer State Park. Rapid
City n'est pas très loin des Badlands, de la réserve indienne de Pine
Ridge et de Wounded Knee.
Les Black Hills sont un magnifique petit massif de montagnes pas très
élevées (2200 mètres). Les indiens Sioux Lakota les dénommaient Paha Sapa,
« les collines sont noires ». Elles sont recouvertes de pins
et vues de loin, apparaissent très sombres. Les Indiens
considéraient les Black Hills comme le centre sacré du Monde. En 1874
le général Custer, à la tête du 7ème régiment de Cavalerie y conduisit
une expédition qui trouva de l'or. Ce fut le début d'une ruée et d'une
guerre avec les Indiens, la Black Hills War ou Great Sioux War of 1876.
En 1923 l'historien Doane Robinson eut le premier l'idée de transformer
les colonnes de granit des Needles en statues monumentales pour
développer le tourisme. Il finit par s'adresser à Gutzon Borglum qui
conçut le Mont Rushmore et obtint le soutien du Congrès. Borglum devait
probablement avoir un ego démesuré pour imaginer un tel monument, les
têtes mesurent 18 mètres de haut. En tout cas le culte de la
personnalité de Borglum est largement entretenu au Mont Rushmore.
Dans les années 1930, le chef indien Henri Standing Bear émit le
souhait de sculpter un monument à la gloire de Crazy Horse. Il
s'adressa d'abord à Borglum, sans réponse et finit par obtenir le
soutien de Korczak Ziolkowski qui avait travaillé avec Borglum sur le
Mont Rushmore. Henri Standing Bear insista pour que le projet soit
développé sur fonds privés. Le premier dynamitage eut lieu en 1935.
Ziolkowski devait avoir un ego encore plus démesuré pour
concevoir une statue encore plus grande, le visage de Crazy Horse
mesure 21 mètres et, terminé, dans 150 ans à ce rythme là, le monument
mesurera 195 mètres. Le culte de la personnalité de Ziolkowski est lui
aussi largement entretenu au Crazy Horse Memorial.
Ces deux monuments sont sujets à polémique. On peut considérer qu'ils
souillent le paysage et certains Indiens pensent qu'ils violent leurs
terres sacrées ancestrales et l'esprit même de Crazy Horse. On ne
dispose d'aucune image de Crazy Horse, celui-ci ayant toujours refusé
d'être photographié. Il avait émis le souhait d'être enterré à un
endroit où on ne puisse pas le retrouver. Enfin le geste de pointer du
doigt est considéré comme impoli et tabou dans la culture indienne.
Malgré tout, les deux monuments sont imposants et méritent d'être
visités. Le Mont Rushmore ne dégage pas une grande émotion. On a
tellement vu cette image que, sur place, elle n'étonne plus. L'ébauche
de la statue de Crazy Horse est plus impressionnante. Peut-être parce
qu'elle est plus grande, que l'expression, imaginaire, du visage du
guerrier est réussie et que l'on ressent Crazy Horse jaillir du rocher.
Deux petites villes, Custer et Keystone, usines à touristes, célèbrent
les deux monuments, l'esprit des cowboys, des pionniers et des
anciennes gloires de la Frontière : Calamity Jane, Jesse James,
Wyatt Earl, Doc Hollywood. Au sud des monuments se trouve le
Custer State Park. C'est une très belle région où il doit faire bon
randonner. On a bu une excellente IPA au Creekside Lodge, près du Peter
Norbeck Visitor Center, encore un magnifique hôtel dans le style
National Park Service rustic communément appelé Parkitecture qui fait
un peu chalet suisse. Nous avons suivi la route qui se faufile entre et
sous les Needles, belles aiguilles de granit.
Dans ce parc, vous pouvez parcourir, à vitesse limitée, la Wildlife
Loop. On y a admiré des chiens de prairie, des bisons, des cervidés et
particulièrement des pronghorns qu'on appelle des antilopes.
Les Badlands sont situées à une soixantaine de miles au sud-est de
Rapid City. C'est un spectacle saisissant. Les paysages les plus
impressionnants sont facilement visibles des parkings, au bout de
chemins dallés de bois. Mais ça vaut vraiment le coup, en étant
prudent, de se lancer dans une des randonnées balisées. Certaines
durent une heure, d'autres l'après-midi ou la journée. Par endroits on
a vraiment l'impression de marcher sur la Lune.
La Pine Ridge Indian Reservation est complètement au sud du South
Dakota et se prolonge vers le Nebraska. Elle englobe la moitié du parc
des Badlands. C'est une très grande réserve, 9000 km², la huitième des
États-Unis par la superficie. Seuls 340 km² en sont cultivables.
Cherchez l'erreur. Sa population est estimée à plus de 28 000
habitants. C'est la réserve indienne la plus pauvre avec un taux de
mortalité élevé, de gros problèmes d'alcoolisme, de drogue, de
malnutrition, de diabète et de suicide.
Dans les années 70, la réserve fut le théâtre de révoltes indiennes. Le
hameau de Wounded Knee, occupé par des indiens armés, fut assiégé
pendant 70 jours par le FBI.
Le 29 décembre 1890 le 7ème régiment de Cavalerie encercla un campement
d'Indiens Lakota à Wounded Knee. Quatre canons Hotchkiss furent
déployés. Un détachement pénétra dans le camp pour désarmer les
Indiens. Un coup de feu fut tiré. La Cavalerie riposta en tirant de
tous les côtés sans distinction, massacrant femmes, enfants,
vieillards, guerriers sioux et même ses propres soldats. Au moins 200
Indiens furent tués, 51 blessés. Vingt-cinq soldats furent tués. Le
7ème voulait-il se venger de sa défaite contre Sitting Bull quatorze
ans plus tôt à Little Big Horn ?
Nous nous étions promis de faire le pèlerinage à Wounded Knee. C'est
assez désolant. Sur place un grand panneau rouge rappelle les
événements. Abrités du soleil par des cabanes de paille, quelques
Indiens vendent des bijoux de perles et proposent de vous emmener en
4x4 jusqu'au cimetière, en haut d'une colline à deux cents mètres. Le
cimetière est ceint d'un horrible grillage auquel sont accrochés des
rubans de couleur. A cinquante mètres du cimetière, une église a été
construite. Parfois je me demande si les gens qui ont bâti cette
chapelle ont vraiment le sens du sacré.
Sur la route du retour on traverse la ville de Scenic. Nous avions
envisagé d'y loger car elle est au centre des Badlands. C'est
impossible car il n'y a rien. Sa population doit être estimée à neuf
habitants et celle de la commune à une cinquantaine. Une des habitantes
en a petit à petit racheté toutes les propriétés. En juillet 2011, les
cinq hectares de la ville, les bâtiments et dix-neuf hectares de
terrains avoisinants furent mis en vente pour 799 000 dollars. Étaient
vendus en un seul lot la poste, un saloon, deux prisons, un hôtel, une
gare, un musée. La ville a été achetée par la Iglesia ni Cristo basée au Philippines. Quand nous sommes passés, la pompe à essence venait de réouvrir.
LIRE
- L'Amérique indienne,
Edward S. Curtis, Albin Michel, Terre indienne, texte de Florence
Curtis Graybill et Victor Boesen, traduit par Gabriel Pospisil.
LIENS en français
LIENS en anglais
Photographies prises lors de notre séjour au Montana, août 2014.

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