
Le Hawley Mountain Guest Ranch est un dude ranch. J'ai demandé à Ron, l'un des propriétaires du ranch, quelle était la nuance entre guest et dude ranch. Il n'a pas su me répondre. Jusqu'aux années soixante un dude
désignait quelqu'un d'habillé à la mode, citadin de préférence. Dans
l'Ouest d'autrefois cela désignait tous les nouveaux venus, les green horns.
Les fermes de l'Ouest étaient isolées. Les fermiers avaient peu de
voisins. Leur vie était solitaire. Ils accueillaient avec joie tout
visiteur, impatients de rencontrer des étrangers, de discuter, d'avoir
de la compagnie et des nouvelles du monde. Cela a développé une
tradition d'hospitalité de la part des ranchers. D'un autre côté,
surtout après la première guerre mondiale, une industrie touristique se
développa, encouragée par les compagnies de chemin de fer et le goût du
Président Teddy Roosevelt pour l'Ouest. L'hospitalité dans les ranches,
devenue payante, attira toutes sortes de touristes, des chasseurs, des
nostalgiques de la légende de l'Ouest ou des citadins voulant se
ressourcer comme on dit maintenant, comme si nous avions été sourcés
déjà une première fois.
Hawley Mountain Ranch fait partie de la Montana Dude Ranchers' Association qui a été créée en 1926 à Bozeman.
C'est un prospecteur, Hawley, qui a acheté des terres dans les années
1900 et donné son nom à l'une des deux montagnes qui font face au
ranch. Il a revendu le ranch au grand père de l'un des actuels
propriétaires. Le Guest Ranch a été construit dans les années 70.
Le Ranch est situé à 1900 mètres d'altitude dans la vallée de la
Boulder River au sud de Big Timber. C'est au bord de la Boulder River
qu'on été tournées des scènes de Au milieu coule une rivière et de L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux.
On y parvient par une bonne route dans un décor assez somptueux, large
vallée, collines au second plan et au loin, les sommets blancs de
l'Absaroka Range sur lesquels la neige était tombée juste la nuit
précédente (on était fin août). La route est goudronnée jusqu'à une
attraction locale où la Boulder River, qui a creusé un petit canyon,
s'enfonce sous terre pendant quelques centaines de mètres pour
ressurgir un peu plus bas. On roule ensuite sur une piste, belle gravel
road au début mais de plus en plus chaotique. Le patron du Ranch nous
avait envoyé un e-mail : on vous attend pour 18 heures, roulez doucement sinon vous risquez d'éclater un pneu.
Nous étions en retard, le soleil avait disparu depuis longtemps
derrière les montagnes, la route se dégradait de plus en plus, la forêt
était de plus en plus sombre, notre voiture japonaise de location se
recouvrait à nouveau de boue. Sans GPS, nous avions l’œil rivé sur le
compteur de miles de peur de rater le ranch qui est à 67 km au sud de
Big Timber. Au détour du chemin nous sommes tombés nez à nez avec une
biche et deux faons. Elles ont attendu que nous sortions l'appareil et
posé pour la photo avant de s'en aller tranquillement dans les bois.
Nous sommes enfin arrivés devant le porche du ranch fait de 3 troncs
d'arbres avec en-dessous, sur une vieille planche, l'inscription Office
qui pointait vers un chemin de terre boueux serpentant dans la montagne.
À vrai dire, nous avions choisi ce ranch un peu par hasard. Nous avions
envie de faire une immersion dans la vie américaine, ce que le simple
tourisme ne permet pas. Il y avait aussi un vieux désir de gosse de
jouer aux cowboys. Nous avions acheté des chapeaux et des bottes
western (nos bottes viennent de chez Millers Boots and Shoes à
Butte ; ils ont le sens du commerce mais sont très sympas; je vous
les recommande). Le ranch était à peu près sur notre route. De plus,
Hawley Mountain Ranch se vante de son ambiance familiale avec une
quinzaine d'hôtes au maximum alors que certains Resort Ranches en
accueillent des centaines.
Nous avons été comblés. Nous avons parlé américain pendant une semaine,
fait connaissance avec les propriétaires du ranch, les wranglers et
tout le personnel. Nous avons gardé le contact avec quelques hôtes
originaires de San Diego, CA ou de Atlanta, GA. Le logement est
confortable et, très grande surprise, la nourriture y est excellente,
typiquement américaine mais excellente.
Mais la rencontre la plus surprenante ce furent les chevaux.
Paradoxalement nous y sommes allés en ayant plutôt peur des chevaux.
Les wranglers sont vraiment très sympas et patients. Les chevaux sont
calmes, parfaitement dressés et connaissent les chemins par cœur. Les
wranglers vous choisissent un cheval adapté, plutôt vieux pour les
débutants et vous le gardez pour toute la semaine. En plus d'être
magnifiques, les selles western sont très confortables et rassurantes.
Après 15 minutes d'explications, une heure dans une carrière - un pré
entouré de barrières en bois et muni de 3 bidons peints en blanc – nous
voilà partis, au pas en file indienne, pour une randonnée à
travers bois. On traverse des rivières, on chevauche entre les rochers
et les arbres abattus, sur des sentiers vraiment escarpés. Parfois, sur
un passage particulièrement glissant, votre cheval fait un détour. Faites-lui confiance, nous disaient les wranglers, il sait trouver le meilleur chemin. Il n'a pas du tout envie de tomber.
Nous avons bien essayé la pêche à la mouche, mais après avoir perdu
deux ou trois mouches dans l'herbe nous avons décidé de nous concentrer
sur les chevaux et la conversation américaine.
Nous avons eu droit une petite ballade en rafting sur la Yellowstone River suivie d'une glace dégustée à la vieille soda fountain de Big Timber. Notre copain Bob nous avait prévenus : Its' an american experience. Mais nous n'avions pas bien compris. Une soda fountain,
c'est un vieux bar en bois des années 50 avec des tabourets ronds. Il
n'en reste pas tant que ça. Celui-ci est situé dans la pharmacie de Big
Timber.
Nous sommes aussi allés faire un tour en 4x4 (prononcez four by four)
dans la montagne. En fait de 4x4, c'était un vieux camion Ford de 1960
avec des banquettes dans la benne que Ron entretient amoureusement.
Nous sommes allés voir les anciennes mines d'argent tout au bout de la
vallée. Il y a une ghost town, Independance où subsistent quelques
cabanes et des pièces métalliques des anciens moulins. Un peu plus loin
se trouve le Blue Lake, paradis des pêcheurs à la mouche. Nous avons
continué en randonnant à pied jusqu'à un col à 3100 mètres d'altitude
au pied du Monument Peak offrant un panorama sur le Yellowstone, qui
n'est qu'à une vingtaine de kilomètres au sud, et, à l'est, ce que j'ai
cru être le Granite Peak, le plus haut sommet du Montana à 3900 mètres.
Mais le plus fantastique, ce sont les chevaux. Ce Dude Ranch est
vraiment un excellent moyen d'initiation. Au bout de quelques jours,
une véritable relation s’établit avec votre cheval. Quel plaisir de lui
offrir une pomme après une rando. Le dernier jour il pleuvait. Nous
étions les seuls volontaires pour une sortie à cheval. Les wranglers
ont enfilé leurs grands manteaux en toile huilée. Sergio Leone vous
dis-je ! Le matin nous avons été initiés au trot. Et l'après-midi je me
suis retrouvé seul avec la wrangler à trotter dans les prairies entre
les touffes de sage-brush, ces bouquets de teinte gris-vert typique des
paysages de l'Ouest. La wrangler me dit : on va aller vérifier si les sentiers sont encore praticables.
Nous sommes allés à travers bois et prairies ou à flanc de montagne,
sur de vagues chemins encombrés d'arbres morts, traversant la Boulder
River à gué pour déboucher sur une clairière de sapins où trois biches
n'attendaient que nous pour déguerpir.
Ajoutez à tout ça deux soirées autour d'un grand feu de bois, avec un
bon gros steak grillé, sa patate cuite à la braise dans un papier d'alu
et une IPA de Missoula.
Nous n'avions plus envie de partir.
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Photographies de prises lors de notre séjour au Montana, août 2014.

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